Le parcours de Claire, 38 ans, éducatrice spécialisée dans le champ du handicap
« Tu n’es plus vraiment là, tu sais… »
Cette phrase, c’est son compagnon qui la lui a dite un soir, sans colère, sans reproche. Juste un constat.
Claire venait de rentrer du travail, une fois de plus, vidée. Elle a haussé les épaules, comme pour dire que ça allait. Mais intérieurement, quelque chose s’est effondré. « Je pensais que je gérais. Je pensais que c’était normal, cette fatigue permanente. Et puis, ce soir-là, j’ai compris que j’étais en train de m’éteindre à petit feu ».
Claire est éducatrice spécialisée depuis plus de quinze ans. Elle a longtemps travaillé en IME, puis en SESSAD, toujours dans le champ du handicap. Elle adorait son métier. Elle adorait le lien avec les familles, le travail de terrain, la richesse des accompagnements.
Mais au fil du temps, la pression institutionnelle, les plannings éclatés et les réunions à répétition ont fini par éroder son énergie.
Du doute au déclic
À ce moment-là, Claire ne sait pas encore ce qu’elle veut. Elle sait seulement ce qu’elle ne veut plus.
Elle commence à chercher. Pas forcément une reconversion, mais une respiration. Un ailleurs.
C’est sur un groupe Facebook pour travailleurs sociaux qu’elle tombe sur une discussion autour du libéral.
Elle lit, elle observe, elle se demande si c’est vraiment possible. Et puis, en cliquant de lien en lien, elle découvre le site d’Éveil & Sens, ses contenus, et prend rendez-vous pour une visio. « J’étais stressée avant la visio. J’avais peur qu’on me dise que ce n’était pas pour moi… Et finalement, ça m’a ouvert une porte. J’ai compris que c’était possible. Pas simple, mais possible. »
Elle ne plaque pas tout du jour au lendemain. Elle laisse l’idée mûrir. Mais quelque chose a été lancé.
Se lancer, mais sans tout quitter
Claire choisit une voie progressive. Elle continue de travailler en structure à 80%, ce qui lui laisse une journée de libre dans la semaine. C’est ce temps-là qu’elle décide de consacrer au démarrage de son activité libérale.
Elle s’informe, crée son statut d’auto-entrepreneure, construit ses outils, rédige ses contrats. Un jour, elle évoque son projet à une famille qu’elle accompagne depuis longtemps en SESSAD. Leur jeune adulte arrive à la fin de la prise en charge, à cause de l’âge.
Claire leur explique qu’elle envisage de continuer les accompagnements, autrement. Ils ne connaissaient pas cette possibilité, mais sont enthousiastes à l’idée de poursuivre avec elle, dans un cadre plus souple.
Ce sera son premier contrat. Et un premier pas décisif vers une autre manière d’exercer.
Des peurs… mais surtout des réponses
Comme beaucoup, Claire a douté.
Elle s’est demandé si elle était légitime, si elle allait réussir à se faire connaître, si elle pourrait vraiment vivre de cette activité. Et puis elle a avancé, un jour après l’autre. Elle s’est appuyée sur ce qu’elle savait faire : le lien, l’écoute, l’adaptabilité.
Elle a continué à s’informer, à s’entourer, à poser ses limites. « J’ai retrouvé du temps, du sens, du lien. J’ai pu recréer quelque chose qui me ressemble ».
Aujourd’hui, une autre manière d’exercer
Claire accompagne aujourd’hui six enfants et un jeune adulte, en libéral.
Elle intervient à domicile, parfois à l’école, toujours en lien avec les familles et les professionnels. Elle a aussi mis en place des temps d’accompagnement en fratrie, en réponse à un besoin souvent oublié. Son activité est stable, pensée selon ses valeurs. Elle a repris le contrôle sur son emploi du temps, son cadre, et sur le sens qu’elle donne à son métier.
À celles et ceux qui hésitent encore
Aujourd’hui, Claire parle régulièrement de son parcours à ses anciennes collègues, à d’autres éducateurs ou éducatrices qu’elle croise et qui commencent, eux aussi, à se poser des questions.
Elle ne cherche pas à convaincre, mais à témoigner de ce qu’elle a vécu, de ce qu’elle a gagné à s’écouter. « Je dirais à une éduc qui hésite : donne-toi le droit d’y penser. C’est pas un caprice. C’est peut-être même une manière de sauver ton métier. Moi, je ne reviendrais pas en arrière. »
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Repenser sa manière d’accompagner, c’est parfois le premier pas pour redonner du sens à ce que l’on fait. Claire l’a fait, à sa manière.
Et vous, que feriez-vous si vous vous autorisiez à essayer ?
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